Moscou, de nos jours. Kirill travaille pour un studio de développement de jeux vidéos, et il n’a pas son pareil pour créer des univers : on le considère comme un génie. Mais sa vie privée en revanche est un désastre. Ses comptes sont toujours gérés par sa mère, et sa compagne, Anna, le quitte car elle le juge trop immature. Mais voilà qu’un jour, en rentrant chez lui, il trouve son appartement totalement métamorphosé et habité par une femme que nul ne connaît. Et petit à petit, Kirill disparaît de la mémoire de ses proches, de ses amis, et enfin de ses parents. Il se retrouve seul, à la rue, après avoir revu la mystérieuse femme qui l’a poussé… à la tuer. Plus tard, dans la rue, un itinéraire apparaît sur son GPS, qui le conduit à une vieille tour non loin du Kremlin.
Cette tour, qui semble vivante, est en fait un point de passage entre plusieurs univers parallèles, et Kirill va en devenir le gardien, ou plutôt le douanier.
Adapté d’un roman de Sergueï Loukianenko, Le Gardien des mondes (en russe Черновик, Le Brouillon – 2018), de Sergueï Mokritski, est un film surprenant. Il est assez rare que les longs métrages ayant pour sujet des univers alternatifs soient réussis. Le film de Mokritski a failli l’être. L’idée de portes entre les mondes n’est pas nouvelle, pas plus que celle d’un gardien. Mais il s’y greffe ici tout une organisation, composée de gens quasi-immortels, invulnérables, chargée de veiller sur ces portes. Kirill devient très rapidement l’un d’eux, en acquérant sans s’en rendre compte un savoir immense sur chaque monde, et des capacités physiques inhumaines. Mais Kirill n’est pas seulement chargé de veiller sur les portes : il doit aussi en ouvrir de nouvelles, à l’aide de son imagination. Cependant, si l’on a pris soin d’effacer son souvenir de la mémoire de ses proches, lui n’a pas du tout l’intention de faire table rase de son passé. Aussi se lance-t-il à la recherche de ses amis et parents.
Visuellement parlant, Le Gardien des mondes est une réussite. Les images des diverses Moscou alternatives sont fabuleuses : Moscou steampunk, Moscou enfer bolchevique, Moscou paradis tropical, etc. Les décors, les costumes sont aussi remarquables, et aucun détail n’est négligé pour rendre crédibles les divers univers. Les acteurs sont parfaits, mais on accordera une mention spéciale à la Lituanienne Severija Janusauskaite, inquiétante dans son rôle de méchante glaciale (un rôle qui aurait pu être donné à quelqu’un comme Tilda Swinton).
Mais le gros problème du film réside dans son scénario, qui reste plein de trous. Un nombre important d’éléments narratifs nous sont présentés avant d’être tout bonnement négligés : quel est donc cet artefact tenu par une main momifiée que l’on donne à Anton, l’un des supérieurs de Kirill ? Comment l’ex-amante du héros a-t-elle pu intégrer, au moins superficiellement, l’organisation ? Etc.
Ces lacunes, qui expliquent la mauvaise réception du film en Russie (et visiblement aussi en France si l’on en croit les commentaires en ligne), sont tout simplement dues au fait qu’une série est en cours de développement, toujours sous la direction de Mokritski. Il semble bien que l’on se retrouve dans le même cas de figure que Le Monde sombre : une série (très bonne dans ce dernier cas) et un film qui en est la version condensée, le film sortant hélas avant la série. Ce me semble ici un très mauvais procédé.
Comme d’ordinaire, ce film est sorti en France directement en DVD. Comme d’ordinaire aussi, c’est traduit dans l’anglais, hélas, mais je n’ai pas repéré de contresens ou de faute importante dans les sous-titres.