Richard Viktorov – Moscou-Cassiopée (1973)

kinopoisk.ruSi Richard Viktorov a pu travailler sur des films très divers, et notamment des films de guerre, c’est pour ses films de science-fiction qu’il est le plus connu. Nous avons vu que son Épineux chemin des étoiles (1981), était fort sympathique, mais c’est surtout un diptyque, Moscou-Cassiopée (1973) et Les Adolescents de l’espace (1974), qui l’a rendu célèbre.

Viktor est un écolier studieux : à 14 ans, il passe pour un petit génie, ce qui l’amène à faire une présentation devant toute sa classe et une poignée de scientifique, d’un vaisseau interstellaire dont il a conçu les plans. Bien sûr, cela lui attire les moqueries d’une partie de ses camarades. Mais l’un des savants reconnaît sa valeur et accepte de l’intégrer à un programme pour le moins ambitieux.

L’URSS est en effet en train d’armer un vaisseau spatial, qui sera envoyé vers Alpha de Cassiopée. Un mystérieux signal a en effet été capté, venant de cette étoile. Mais le voyage sera terriblement long, plusieurs dizaines d’années. Aussi fait-on le choix de ne prendre à bord que des adolescents de 14 ans maximum, qui devraient avoir 40 ans lorsqu’ils arriveront sur place. Viktor et un de ses camarades est sélectionné pour faire partie des trois garçons d’un équipage qui comprendra aussi trois filles. Et en route pour l’aventure.

kinopoisk.ruLes films de science-fiction qui ne s’adressent qu’au jeune public sont rares, et Moscou-Cassiopée (Москва-Кассиопея) est de ceux-là. C’est un film qui s’adresse expressément aux pionniers et aux komsomols. De fait, l’unique journal qu’on y montre est la Komsomolskaya Pravda.

Tous ces jeunes gens, sauf un, sont bien sages et studieux, dans leur chemise blanche, le foulard rouge autour du cou. Et par cet aspect-là, le film a sans doute sérieusement vieilli. De nos jours, on aurait bien du mal à s’imaginer des filles de 14 ans avec de si charmants nœuds blancs dans les cheveux.

kinopoisk.ruMais à côté de cet aspect vieillot, cela reste un film fort sympathique. L’action, qui pour ce premier volet ne s’intéresse qu’à la phase de sélection et au voyage de l’équipage, est bien rythmée, entrecoupée de quelques gags bienvenus. Visuellement, on voit bien qu’il s’agit d’un film des années 1970 – les écrans de la salle de pilotage sont en noir et blanc ! –, mais les trucages sont très corrects pour l’époque, et l’idée qui est donnée de l’intérieur du vaisseau est détaillée. On y trouve même un élément original : le voyage étant prévu pour durer longtemps, on a équipé l’engin d’une salle permettant aux membres de l’équipage d’évoluer dans un environnement virtuel… ce qui est ni plus ni moins que l’équivalent du holodeck de la série Star Trek.

kinopoisk.ruOn notera pour l’anecdote que lorsqu’une visite du vaisseau est organisée, avant son départ, à l’intention des journalistes, il se trouve parmi ceux-ci un Français, qui travaille pour le magazine Pif. Petit clins-d’œil à la jeunesse communiste française.

Fedor Bondartchouk – Attraction (2017)

Attraction0Fedor Bondartchouk semble n’avoir que deux spécialités, en tant que réalisateur : les films de guerre et les films de science-fiction, le tout à gros budget (pour la Russie). Son Île habitée était un film intéressant. Mais qu’en est-il d’Attraction (Притяжение, 2017), son dernier long-métrage en date ?

Youlia est une lycéenne comme les autres. Elle rêvasse en cours, ne pense qu’à son chéri, un jeune loulou plus ou moins voyou qui vient la chercher en voiture à la sortie des classes. Youlia est fille unique, et sa mère est décédée il y a déjà quelques années. Elle est élevée de façon très stricte, trop stricte, par son père, un colonel de l’armée de terre. Voilà qu’on annonce une pluie d’étoiles filantes, et un professeur du lycée encourage ses élèves à l’observer. Cette observation servira de prétexte à Youlia, qui pourra retrouver Artem, son amoureux, dans la chambre d’une de ses amies qui, elle, reste pour de bon sur le toit de l’immeuble.

kinopoisk.ruMais voilà que dans l’espace un météore frappe un vaisseau extraterrestre, qui se retrouve contraint de rentrer dans l’atmosphère. Il est aussitôt pris en chasse par l’aviation russe, qui prend la décision fatale de tirer dessus. Le vaisseau s’écrase… en plein Moscou.

Peu de temps après, le père de Youlia se retrouve en charge de la sécurité. Une zone d’un kilomètre de rayon est évacuée, et l’on va pouvoir tenter un premier contact. Et pendant ce temps, Youlia et la bande d’Artem vont tenter d’entrer dans la zone.

kinopoisk.ruQu’on ne s’attende pas à de la philosophie avec ce film : nous avons ici un blockbuster dans la plus pure tradition américaine du genre, sauf qu’il est russe. Ce n’est pas pour rien si l’éditeur du DVD français le compare à Independence Day : nous sommes un peu dans le même registre, à ceci près que c’est bien moins crétin que le film de Roland Emerich. Ici, nous ne sommes jamais certains que les extraterrestres sont des envahisseurs, et le colonel Lebedev, le père de Youlia, se retrouve régulièrement à bloquer diverses velléités d’actions violentes. De fait, les ET ne se montrent guère, ne cherchent pas d’eux-mêmes le contact, et leur vaisseau ne fait que se réparer, comme pour repartir aussitôt que ce sera fait.

Le danger vient plutôt des humains eux-mêmes et de leurs réactions plus ou moins imprévisibles. On se retrouve alors avec un scénario qui recèle bien des surprises. Un scénario possédant aussi quelques incohérences, cependant. Comment imaginer la tenue à Moscou même, qui a été en partie dévaster, d’un immense concert de musique pop comme celui qu’on nous montre au milieu du film ? De même, l’enchaînement de certaines scènes ne se fait pas forcément naturellement, mais il y a hélas une explication à cela : la durée originelle du film était de 132 minutes. Dans la version DVD française, elle n’est plus que de 112. Vingt minutes sont donc passées à la trappe (c’est cela dit moins pire que ce qu’avait subit L’Île habitée, amputé de plus de la moitié).

Visuellement, Attraction est une réussite. La chute du vaisseau est époustouflante, et certaines scènes d’action sont des morceaux de choix. S’il ne s’agit pas là d’un chef-d’œuvre, cela reste quand même un film distrayant et efficace.

Dmitri Gratchev – Le Calculateur (2014)

Titanium0Voilà encore un film de SF russe sorti directement en DVD en France, avec à la clé un changement de titre, puisque Le Calculateur (Вычислитель), de Dmitri Gratchev, est devenu, on ne sait pourquoi, Titanium. Enfin si, on sait pourquoi : alors que dans la version originale, la planète où se passe l’histoire s’appelle XT-59, en français elle devient Titanium. Sans doute que ça faisait plus classe. Mais notons tout de même un progrès par rapport aux autres DVD de ce genre : ici, le film a semble-t-il bien été traduit directement du russe, et non comme d’ordinaire de la version internationale anglaise. Cela nous évite donc les habituelles approximations et autres contresens. On déconseillera par contre le visionnage de la bande-annonce française : on y trouve des tas choses (propos, sons, et même certaines images) qui ne sont pas dans le film. C’est sans doute en partie la cause de la multitude de commentaires critiques que l’on peut trouver en ligne : « navet », « mauvais film », « lent », « effets spéciaux ratés », « incohérences scénaristiques », « sans originalité », etc. Mais est-ce tout à fait vrai.

Bref, de quoi est-il question ?

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Le cube, au milieu, c’est le Président. Visuellement, on reconnaît la patte de Fedor Bondartchouk, producteur du film.

Dans un futur indéterminé, l’humanité s’est répandue dans l’espace et a colonisé toutes les planètes habitables, même les pires. XT-59 (Titanium donc dans la version française) fait partie de ces pires : elle est recouverte de sortes de marécages habités de formes de vie hostiles. Mais on y a quand même installé une cité-état, à l’image de ce monde : froide, déshumanisée, sous l’emprise d’un système dictatorial qui règle la vie de chaque citoyen jusque dans son intimité. Ceux qui se rebellent ne sont pas condamnés à mort, mais c’est tout comme : on les abandonne aux marécages, avec un minimum de matériel. À charge pour eux de s’en sortir. Leurs seuls espoirs : atteindre le relais de la Charogne, un endroit relativement sauf habité par quelques survivants, ou mieux, parvenir jusqu’à la mythique île du Bonheur, que personne n’a jamais vu.

Nous suivons donc tout un groupe de personnes, hétéroclite. Parmi elles : un truand qui a déjà fait plusieurs allers-retours jusqu’au relais de la Charogne, un prédicateur, une jeune femme qui a tué le mari qu’on lui avait assigné, et un homme étrange, froid, « calculateur », qui tout de suite cherche à faire bande à part. Mais comme pour progresser dans le marais, il faut être deux, il laisse la meurtrière l’accompagner. Et on se rend vite compte qu’il semble connaître particulièrement bien les lieux. Qui est-il donc ?

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Revenons sur les critiques faites à ce film. « Sans originalité » ? Oui, et non. Certes l’histoire de survie d’un groupe en milieu hostile n’a rien d’original. Mais là où, à Hollywood, on aurait balancé tout le groupe armé jusqu’aux dents dans une jungle du Honduras, ici, le groupe n’a quasiment rien : des perches, des cordes, deux ou trois rations et un couteau, et il est largué dans un paysage qui est celui d’une plage volcanique d’Islande. Autrement dit, tout est noir, gris, sale, et Dmitri Gratchev parvient avec ça à produire des images souvent surprenantes.

« Lent ». Oui, mais pas tant que ça. Et là encore, ce n’est pas un film hollywoodien, dans lequel tout serait allé à toute vitesse, à grand renfort d’explosions et de giclées de sang. C’est un film russe, européen : on prend le temps d’y mettre les choses en contexte.

« Effets spéciaux ratés ». Non, du tout. Ils sont rares : Gratchev est économe sur ce point et il a raison. À force de voir des films de SF tournés sur fond vert, on en a parfois perdu le sens des réalités. Ici, nous avons justes quelques incrustations sur le décor naturel, et c’est très bien ainsi. En ce sens, les effets spéciaux sont réussis, et les créatures franchement originales.

« Incohérences scénaristiques ». Si l’on prend le temps d’aller jusqu’au bout du film (ce que certains n’ont sans doute pas fait), on se rend compte que ce qui peut paraître incohérent ne l’est pas tant que ça, et la fin est même plutôt roublarde. Après tout, c’est basé sur un court roman d’Alexandre Gromov, qui est tout sauf un mauvais auteur.

Au final, est-ce un navet ? Non, certainement pas. C’est un film fauché, tourné en quelques jours (d’où peut-être le fait que certains acteurs ne sont pas très bons), mais qui tente de faire au mieux avec son minuscule budget, et à ce titre, ça se laisse voir.