Mieux que les humains (2018-2019)

Better0Rares sont les séries russes de science-fiction à bénéficier d’une diffusion sur le marché international. Nous avons vu récemment le cas de Dark World, par exemple. Mais cette année, c’est une série toute récente qui a pu être diffusée sur Netflix: Mieux que les humains (Лучше, чем люди, 2018-2019), sous le titre très slave de Better than us.

Dans un futur très proche, Viktor Toropov, dirigeant de la toute puissante société Cronos se fait livrer de Chine un modèle expérimental d’androïde, nommé Arissa. Mais à peine celle-ci est activée qu’elle tue un agent de sécurité qui tentait d’abuser d’elle. Igor Maslovski, le principal ingénieur de Cronos, découvre qu’une partie des données liées à l’androïde ont été altérées: elle a déjà commis un premier meurtre, au sein du laboratoire qui l’a construite, laboratoire qui depuis a fermé.

Qu’à cela ne tienne: Cronos, qui commercialise des androïdes de tous types, va se lancer dans le défi de commercialiser ce nouveau modèle révolutionnaire. Car Arissa dispose de facultés inédites: l’empathie, et un minimum de libre arbitre. Mais justement, Arissa s’est échappée et a trouvé refuge auprès de Sonia, la petite fille de Gueorgui Safronov et d’Alla, son ex-femme, maintenant remariée à un ingénieur qui doit partir pour l’Australie.

Better1

L’intérêt de cette série se trouve en premier lieu dans son contexte: un futur proche dans lequel l’usage d’androïdes s’est généralisé. De la même manière que les smartphones sont devenus de nos jours les béquilles de notre vie sociale, ici les androïdes remplissent des tâches multiples, de simples porteurs de brancards pour les moins sophistiqués, à aides à domicile pour personnes âgées, en passant évidemment par tout ce qui concerne le sexe. Les extrapolations technologiques proposées par la série sont ici remarquables: tous les objets visibles, des ordinateurs sans écran aux moyens de communication tels que des bracelets remplaçant les téléphones, des hologrammes aux drones, rien de ce qui est présenté n’existe vraiment, mais tout y est vraisemblable et attendu dans un futur proche. Le travail de mise en contexte réalisé par la production est en tout point remarquable.

Better3

Les personnages, aussi, sont remarquables: Gueorgui, grand chirurgien déchu, devenu médecin légiste dans une morgue, son ex-femme Alla, qui ne sait plus trop où elle en est, leurs deux enfants, l’adorable Sonia, et Egor, l’adolescent rebelle. Un rebelle qui justement s’en va rejoindre par hasard un groupuscule, les Liquidateurs, luttant contre l’invasion d’androïde, en organisant de spectaculaires lynchages de robots. Et bien entendu Arissa elle-même, l’androïde, qui bénéficie d’une prouesse d’actrice de la part de Paulina Andreeva.

Better2

Jamais, durant toute la série, Arissa ne sera humaine. D’ordinaire, dans ce type d’histoire, les androïdes acquièrent très vite des capacités cérébrales, un intellect de type humain. Ici, ce n’est pas le cas. Arissa est une forme évoluée de robot dont le type le plus courant relève du mannequin équipé d’un équivalent Siri, la fameuse application d’Apple. Autant dire qu’il ne faut pas s’attendre à une grande intelligence de la part de ces machines.

Arissa, elle, est cependant dotée de la capacité d’apprendre, et pour cela, elle copie les humains, sans jamais vraiment se rapprocher d’eux. À ce titre, en bonne créature de Frankenstein, elle fait aussi peur qu’elle suscite l’espoir.

Ces personnages évoluent au cœur d’une intrigue policière et politique bien ficelée et pleine de rebondissements. Et l’on distinguera au fil de l’histoire quelques clins d’œil telles que les lectures de Gleb, l’homme de main de Cronos, qui enchaîne le Blade Runner de Philip K. Dick, avec le 1984 de George Orwell. Le générique lui-même est un hommage appuyé aux séquences d’introduction des deux Ghost in the Shell, de Mamoru Oshii, dont il reprend certaines idées visuelles.

Tout cela pour dire que Mieux que les humains propose une science-fiction crédible et intelligente, ce qui est fort rare à l’écran.

Chose tout aussi rare donc, cette série russe est disponible sur Netflix. Mais attention. On savait la chaîne peu soucieuse de la qualité de ses traductions: nous avons pu procéder à quelques sondages dans les sous-titres anglais, et cela va du correct au franchement médiocre. Un exemple: un juron russe courant est tvoju mat’!, ce qui se traduit mot à mot par « ta mère! », mais qui devrait se traduire en anglais par « damned it« , ou tout simplement « fuck« . En français, on attendrait « putain » ou « bordel ». Or dans les sous-titres, on peut admirer un magnifique « your mother! » Et il se trouve que la traduction française de la série a été confié à quelqu’un… qui ne maîtrise que l’anglais. Une fois encore! Nous ne doutons donc pas que les personnages vont régulièrement lancer des « ta mère! » pour jurer…

 

 

 

Irina Povolotskaya – La Fleur écarlate (1978)

ScarlettLe cinéma soviétique n’a jamais rechigné à porter à l’écran les contes merveilleux issus du folklore russe. Des réalisateurs tels qu’Alexandre Roou ou Alexandre Ptouchki sont devenus célèbres en exploitant cette veine. La Fleur écarlate (Аленький цветочек, 1978) d’Irina Povolotskaya est moins connu sous nos contrées. Il s’agit de l’adaptation d’un conte fameux de Sergueï Aksakov, lui même étant une version russe du conte-type « La Belle et la bête ».

Un marchand vit dans un village avec ses trois grandes filles. Alors qu’il doit partir pour un nouveau voyage, ses deux aînées lui demande de revenir avec des objets précieux. La cadette, sa préférée, ne lui demande qu’une fleur écarlate. Perplexe, l’homme s’en va. Et en chemin, il trouve successivement, sans rien faire, le bijou et le miroir précieux, mais de la fleur écarlate, il n’aperçoit que l’éclat.

Scarlett1

Il abandonne ses marchandises, traverse en barque un lac, et se retrouve dans un étrange manoir, qui au premier abord, semble abandonné, mais qui est toujours habité par une étrange châtelaine sortie d’un antique portrait et son serviteur. Et dans le parc, une créature monstrueuse erre. Or c’est elle qui possède la fleur écarlate. Puni pour l’avoir cueillie, le marchand obtient cependant le droit de retourner brièvement au village. Là, sa fille, qui a le don de commander aux animaux, parvient à prendre sa place et à se rendre au manoir, où elle apprendra à connaître le monstre.

Scarlett2

Étrange film que celui-ci. Réalisé sans grands moyens, il est supposé être un film pour enfants, et se révèle pour le moins inquiétant, voire angoissant. La faute – si l’on peut dire – en est d’abord à la musique, signée Edisson Denissov, tout en violons discordants. Mais aussi à une réalisation curieuse, qui joue sur l’étrangeté des couleurs.

Scarlett3

En effet, lorsque les personnages parviennent aux abords et dans le manoir, tout devient gris et orange. Une étrangeté chromatique dont jouera aussi Andreï Tarkovski dans Stalker, un film dont les couleurs ne deviennent naturelles que lorsque ses personnages pénètrent dans la zone. Bien plus tard, le Japonais Mamoru Oshii reprendra cette idée Avalon.

Scarlett4

Le manoir et ses habitants lui-même sont étranges. Ils semblent clairement hors du temps. Le style du costume des acteurs, du mobilier, varie du XVIIe au XIXe siècle. Un choix bien évidemment volontaire qui ajoute à l’étrangeté du film. Un film qui est d’ailleurs loin d’être parfait. Le monstre, un acteur couvert de mousse et de fougère, est ridicule. Les acteurs secondaires interprétant les villageois semblent s’ennuyer à mourir: ils sont plantés là, à chanter sottement, sans rien faire. Heureusement, il n’en est pas de même des acteurs principaux, excellents.

Au final, La Fleur écarlate est un film boiteux, imparfait. Mais il reste une expérience visuelle surprenante.

Il a été édité en DVD par RUSCICO, et si la jaquette est en anglais, on y trouve bien une version et des sous-titres français.